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TVA. Publier des avis de décès pour ne pas mourir

Les quelque 140 participants à l'assemblée générale d'HPF ont crié leur inquiétude de voir le taux de TVA applicable aux produits horticoles passer à 10 % en début d'année prochaine. Les entreprises les plus fragiles du secteur pourraient ne pas y résister.

Le réseau HPF (Horticulteurs et pépiniéristes de France) estime que le passage de la taxe sur la valeur ajoutée à 10 % en janvier prochain serait mortel pour la profession. Il a tenté d'alerter élus et citoyens en ouverture de son assemblée générale, à Troyes (10)...

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Réuni en assemblée générale annuelle à Troyes (10), du 17 au 19 septembre, le réseau HPF avait réservé un accueil pour le moins original aux 140 participants: la distribution d'avis de décès ! Avis que chaque adhérent a ensuite placé sur son visage pour une photo de groupe destinée à être publiée sur le site internet du réseau, et à être envoyée à un maximum d'élus et de journalistes. Si « les HPF », comme on les appelle souvent, soit 250 producteurs détaillants répartis sur l'ensemble du territoire national (voir le Lien horticole n° 842 du 8 mai 2013, p. 14), ont peur de disparaître, ce n'est pas en raison du printemps morose : ils affirment tous, ou presque, qu'ils ont fait une saison correcte. Mais ils n'en craignent pas moins les effets de la conjoncture, à moyen terme, et redoutent que le passage du taux de TVA intermédiaire de 7 à 10 % en janvier prochain ne soit fatidique aux 45 % d'entreprises horticoles déclarées sensibles à fragiles dans l'observatoire économique et financier de FranceAgriMer.

Tous ont encore en mémoire la funeste expérience de 1991 (*), quand le taux normal de TVA a été appliqué au secteur horticole. La filière avait souffert comme rarement dans son histoire récente... Tous aimeraient que l'on évite de revivre ce triste épisode dans un contexte déjà délicat.

Infléchir le vote du budget 2014

L'idée des avis de décès est venue de quelques adhérents participant, quelques jours avant l'assemblée générale, à la Folie des Plantes, à Nantes. Ils ont choisi cette méthode un peu extrême, mais originale, pour faire savoir aux Nantais et aux élus locaux, qui chaque année se rendent à cette manifestation, combien ils sont inquiets pour leur avenir. Un avis a même été remis en main propre au ministre de l'Agriculture, Stéphane Le Foll, par un horticulteur de sa région (Le Mans).

La presse et la télévision locales ayant bien relayé cette action à Nantes, il a été décidé de la renouveler à Troyes : chaque adhérent s'est muni d'un avis de décès, portant le nombre d'emplois que compte son entreprise, tous mis en danger par la décision du gouvernement. La photo de famille sera transmise aux journalistes et responsables politiques de chaque circonscription pour tenter d'infléchir le vote du budget 2014 à l'Assemblée nationale, dans les jours qui viennent. Une vidéo a été tournée, elle est visible sur YouTube. Les producteurs y crient leur inquiétude: « Taxer de 10 % nos plantes, fleurs & arbres, c'est : 10 000 chômeurs de plus et 2 000 exploitations familiales en moins... »

Et que l'on ne dise pas aux producteurs que le CICE (crédit d'impôt compétitivité emploi) compensera la hausse : « Au 1er janvier 2012, avec le passage de la TVA de 5,5 à 7 %, le gouvernement espérait des recettes de 24 millions d'euros. Au 1er janvier 2014, le taux de 10 % devrait rapporter 48 millions d'euros.» Les producteurs ont calculé que le CICE devrait rapporter à la profession 18,5 millions la première année et 27,5 la seconde. Mais ils constatent que le manque à gagner se montera à 30 millions la première année, alors que l'État n'aide la filière qu'à hauteur de 4 millions pour la recherche et la communication...

Convaincre plusieurs députés de s'opposer à leur gouvernement

On saura vite si la profession obtient gain de cause. La FNPHP (Fédération nationale des producteurs de l'horticulture et des pépinières) est en première ligne, comme l'a rappelé Francis Coudène. Producteur en région parisienne et président délégué de la« Fédé », il a fait le voyage à Troyes pour rappeler que la stratégie consiste à tenter de convaincre plusieurs députés de gauche (ceux de droite sont convaincus, mais ils ne sont pas assez nombreux) de s'opposer à leur gouvernement et le contraindre à appliquer le taux réduit aux produits horticoles. Car, au-delà du passage du taux intermédiaire de 7 à 10 %, la crainte des professionnels d'HPF est de voir un jour le taux élevé s'appliquer aux végétaux. En effet, « l'Union européenne souhaite à terme une harmonisation des taux de TVA et, pour cela, elle veut réduire à deux le nombre de taux possible par pays. Seuls trois membres, dont la France, possèdent encore quatre taux. Les nouveaux entrants et les pays du Nord n'en conservent déjà plus que deux. Il y a donc un véritable risque de voir le taux plein (bientôt 20 %) être appliqué à nos productions », explique Joël Ramon, producteur à Albi (81) et président d'HPF.

Pascal Fayolle

(*) Entre août 1991 et décembre 1994, les produits horticoles sont passés du taux de TVA réduit de 5,5 % au taux plein, 18,6 % à l'époque. Une mesure qui a entraîné, selon HPF, la disparition de 5 000 entreprises et 20 000 emplois. www.lienhorticole.fr Retrouvez l'intervention, à Troyes, des producteurs du réseau HPF, en rubrique Photos&Vidéos.

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